Gerboise bleue
Gerboise bleue est le nom de code de l'essai nucléaire français destiné à tester la première arme nucléaire de la France. Il a lieu le 13 février 1960 à 7 h 4 (heure locale) dans la région de Reggane, à l'époque des départements français du Sahara, durant la guerre d'Algérie, au lieu-dit d'Hammoudia.
Cette opération s'inscrivait dans le cadre de la politique de dissuasion nucléaire voulue par le général de Gaulle.
Son nom de code fait référence à la gerboise, un petit rongeur des steppes, et à la couleur bleue, qui symbolise la première couleur du drapeau français sur un axe gauche-droite.
Histoire
Le général de Gaulle est le premier stratège de la bombe atomique de la France, se souvenant des conséquences des trois récents conflits impliquant la France (guerre de 1870, Première et Seconde Guerre mondiale). En 1945, il crée le CEA. Si celui-ci a, à l'origine, une finalité militaire non avouée, il faudra attendre les années 1950 pour que se développe en son sein un réel programme militaire.De nombreux scientifiques français — dont Bertrand Goldschmidt et Yves Rocard — se sont consacrés à la fabrication de la bombe. Les travaux se sont déroulés dans le plus grand secret pendant plusieurs années, de 1954 à 1960. Les militaires ne furent associés au projet que vers la fin du projet, lorsque le CEA peine à réaliser le détonateur de la bombe et apprend que la Direction des études et des fabrications d'armements (DEFA) avait déjà résolu la question de son côté1. Le CEA mit au point la première bombe sur le site CEA de Bruyères-le-Châtel (Essonne), et son détonateur au fort de Vaujours (Seine-et-Marne), tandis que le plutonium provenait de l'usine d'extraction du plutonium de Marcoule, après avoir été traité sur le site de Valduc, où a été réalisée la métallurgie de la première bombe - et des suivantes.
Félix Gaillard décide la date et le lieu de l'explosion quelques mois auparavant1. Pierre Billaud est chargé de diriger la préparation de celle-ci.
Déroulement de l'essaiQuelques journalistes, triés sur le volet, assistent à l'explosion. Ils sont installés à proximité immédiate (à seulement 20 km) de l'hypocentre (le « point zéro »). Des consignes leur demandent de s'asseoir au sol, de tourner le dos à l'hypocentre, de replier les bras devant les yeux et de porter des lunettes de protection.
Une fusée rouge est tirée une minute avant l'explosion. Le 13 février 1960à 7 h 4 (heure locale)11, la bombe atomique est mise à feu sur le site d'essai nucléaire d'Hammoudia, rattaché au Centre saharien d'expérimentations militaires de Reggane dans le Tanezrouft au centre du Sahara, alors territoire français rattaché à l'Algérie, au point 26° 18′ 42″ N, 0° 03′ 26″ O12,a.
Cette bombe, perchée sur une tour métallique haute de 100 mètres, développe une puissance de 70 kilotonnes. L'explosion est entre quatre et cinq fois plus puissante que celle d'Hiroshima. Alors que les habitations les plus proches se trouvent à seulement 70 km, Gerboise bleue entraîne la projection de retombées radioactives dans une zone de 200 km de large et de 100 km de long. Les journalistes ont certainement été très exposés aux radiations générées par l'explosion aérienne de la bombe
Réactions des pays riverainsLes pays riverains du Maghreb protestent énergiquement contre cet essai nucléaire : deux jours plus tard, le Maroc rappellera son ambassadeur à Paris.
Réaction des puissances nucléaires).Cinq mois après la dernière bombe Gerboise, l'Union soviétique a répondu en rompant le moratoire des essais dans l'atmosphère, réglé de facto depuis la fin de 1958 avec les États-Unis et le Royaume-Uni.
Les bombes H représentent une nouvelle génération beaucoup plus puissante que les bombes A. L'URSS a mené de nombreux tests d'amélioration, à partir de septembre 1961, avec une série d'essais de 136 bombes H. Cette série comprenait notamment la Tsar Bomba, la bombe H la plus puissante jamais testée, de 50 mégatonnes (50 000 kt).
Pour réponse, les États-Unis ont réactivé leur propre programme d'essais atmosphériques avec une série de 40 explosions d'avril à novembre 1962.
La Chine a également lancé son propre programme nucléaire à la suite de la rupture sino-soviétique, effectuant son premier test d'une bombe A, nommé « 596 » (22 kt), le 16 octobre 1964, et celui d'une bombe H, le H-Test no 6 (3,3 Mt), le 17 juin 1967.
Réactions de la FranceÀ cause des critiques croissantes et anticipant la signature future du traité d'interdiction partielle des essais nucléaires, la France a cessé ses essais atmosphériques dans le désert et a mené des essais souterrains quelques mois après l'indépendance de l'Algérie en 1962 selon les accords d'Évian avec le FLN2. Ces accords prévoyaient que la France utiliserait pour une durée de cinq ans les sites comprenant les installations In Ecker, Reggane et de l'ensemble de Colomb-Béchar-Hammaguir pour des essais en vol nécessaires à la mise au point des premiers missiles balistiques et du lanceur spatial Diamant. Les discussions franco-algériennes de 1962 sont assorties d'accords secrets : jusqu'en 1978, les militaires français pourront ainsi continuer à faire des essais d'armes chimiques et bactériologiques à B2-Namous, dans la région nord du Sahara. Cette région, qui peut être assimilée à un polygone d'essai de 100 kilomètres de long sur 60 de large, a été le plus vaste centre d'expérimentation d'armes chimiques au monde, Russie exceptée.
Avec les essais souterrains, la séquence a été modifiée avec la désignation de noms de bijoux, à partir de novembre 1961, avec Agate (< 20 kt). Le 1er mai 1962, au cours du deuxième essai, l'« accident de Béryl » contamine plusieurs personnes. L'épisode fut déclassifié de nombreuses années plus tard.
En 1968, la France fit exploser sa première arme thermonucléaire, Canopus (2,6 Mt), dans le Pacifique, au-dessus de Fangataufa, un atoll désert, en Polynésie française.
2004 : première enquête judiciaireEn septembre 2004, une information judiciaire (et donc enquête) est ouverte à Paris contre X, à propos des conséquences des essais nucléaires français (menés de 1960 au Sahara, jusqu'en 1996 en Polynésie française, avant l'arrêt définitif des essais nucléaires de la France voulu par le président Jacques Chirac) sur les civils et militaires qui y ont assisté sans être suffisamment protégés.
Il a fallu attendre 2006 pour que plusieurs sites, non décontaminés par l'armée française, ni par l'Algérie, soient interdits au public.
2008 : première condamnationAprès qu'un tribunal français eut accordé (le 7 juin 2008) une pension d'invalidité à vie à un ancien militaire âgé de 65 ans, victime d'une polymyosite pouvant avoir pour origine sa participation à des essais nucléaires en Algérie, la France a annoncé un projet de loi d'indemnisation des victimes de ses 210 essais nucléaires, appuyé sur un fonds prévu de 10 millions d'euros.
En Algérie, les médecins et les ONG locales estiment que le nombre d'anomalies et problèmes de santé est encore anormalement élevé dans cette zone. On admet aujourd'hui que différentes pathologies, dont les cancers (cancer de la thyroïde, cancer du poumon, cancer du sein, leucémie, certaines anomalies congénitales, etc.) peuvent avoir été induites par l'irradiation ainsi subie.
Culture populaire
L'événement est évoqué dans l'épisode 7 de la saison 1 de la série Au service de la France23. Toutefois, au lieu du 13 février 1960, la série place l'événement à la date du 19 février.
Dans le film franco-marocain Djinns, sorti en 2010, la mallette estampillée « secret défense » contient l'ordre de mise à feu de la bombe Gerboise Bleue.
Evénements associés
Nom | 1 | Organisation de l'armée secrète OAS |
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2 | Algerian War of Independence |