Groupe Bilderberg
Le groupe Bilderberg, aussi appelé conférence de Bilderberg ou club Bilderberg, est un rassemblement annuel et informel d'environ cent trente personnes, essentiellement des Américains et des Européens, composé en majorité de personnalités de la diplomatie, des affaires, de la politique et des médias.
Ce forum annuel a été inauguré en mai 1954 à Oosterbeek aux Pays-Bas, lors d'une réunion à l'hôtel Bilderberg (d'où son nom) et possède des bureaux à Leyde, Pays-Bas1.
Sa non-médiatisation et le caractère confidentiel du bilan des conférences suscitent régulièrement des controverses et alimentent des théories du complot relatives à son influence.
Fondation
Dans les années 1950, l'ancien diplomate polonais Joseph Retinger et Andrew Nielsen, inquiets de la montée de l'antiaméricanisme en Europe occidentale alors que la guerre froide fait rage, conçoivent l'idée d'un forum international où les dirigeants européens et nord-américains pourraient se réunir pour discuter du développement de coopérations en matières militaire, économique et politique2. Hubert Védrine, ancien ministre français des Affaires étrangères explique : « À l'époque, le but était de convaincre les dirigeants européens et américains de resserrer les liens et de ne pas baisser la garde face à la puissante Union soviétique ».
Joseph Retinger expose l'idée au prince Bernhard des Pays-Bas qui lui fait un accueil favorable, ainsi que l'ex-Premier ministre belge Paul Van Zeeland, et le dirigeant de l'époque du groupe de produits de grande consommation Unilever, le Néerlandais Paul Rijkens. Le prince Bernhard contacte pour sa part le général Walter Bedell Smith, alors directeur de la CIA, qui demande au conseiller d'Eisenhower, Charles Douglas Jackson, d'examiner la proposition4.
Chaque pays devait compter deux invités, représentant la majorité et l'opposition dans chacun d'entre eux. Une réunion préparatoire est organisée le 25 septembre 1952, à l'hôtel particulier de François de Nervo, dans le 16earrondissement de Paris5, en présence de Retinger, Van Zeeland, le prince Bernhard, Antoine Pinay(président du conseil et ami du baron de Nervo) et Guy Mollet (patron de la SFIO) et plusieurs personnalités étrangères. Parmi celles-ci se trouvent le Britannique Colin Gubbins (ancien général du Special Operations Executive contre l'occupant nazi), le Néerlandais Joseph Luns (ex-secrétaire général de l'OTAN) et le Danois Ole Bjørn Kraft (ancien ministre de la Défense et président du Conseil de l'Atlantique).
La conférence inaugurale se tient deux ans plus tard à l'hôtel Bilderberg, situé à Oosterbeek aux Pays-Bas, du 29 au 31 mai 1954. Cinquante délégués en provenance d’onze pays d'Europe occidentale y assistent, aux côtés d’onze Américains dont David Rockefeller6. La réussite de l'événement décide les organisateurs à organiser cette conférence sur une base annuelle. Un comité directeur permanent est mis en place, avec Retinger comme secrétaire permanent.
Les conférences ont eu lieu en France, en Allemagne et au Danemark les trois années suivantes. Puis, en 1957, la première conférence outre-Atlantique, sur l'île de Saint-Simon, a été organisée. Elle a été financée à hauteur de 30 000 dollars par la Fondation Ford, qui financera également les conférences de 1959 et de 1963.
Organisation
Le comité directeur
La conférence de Bilderberg est organisée chaque année au mois de mai ou juin par le comité directeur, qui comprend un président et un secrétaire général honoraire. On ne peut être membre du groupe Bilderberg car les invités ne le sont que de manière ponctuelle. Les seuls membres permanents à proprement parler sont ceux du comité directeur, dont le président actuel est l'assureur français Henri de Castries.
En 1976, un scandale de corruption, impliquant le prince Bernhard qui favorisait le groupe d'armement américain Lockheed auprès de l'armée néerlandaise, en marge du sommet et contre rétribution, faillit mettre fin aux réunions ; la conférence survit toutefois et le prince fut remplacé à la tête du comité directeur par Alec Douglas-Home, ancien Premier ministre britannique.
La conférence
Chaque conférence a lieu pendant un week-end, dans un lieu généralement communiqué peu de temps auparavant. Les participants, invités par le comité directeur, n'ont pas le droit de sortir de l'hôtel de résidence pendant les deux jours que dure la conférence, et ne peuvent pas être accompagnés de leur conjoint ou de leur(s) secrétaire(s). Tous les membres sont assis par ordre alphabétique, sans distinction protocolaire.
Interrogé par le journaliste français Bruno Fay, Nicolas Beytout :
« J’ai fait trois Bilderberg. Mais on ne demande pas à participer : on est invité par le comité de direction. Nous sommes installés par ordre alphabétique, il n’y a absolument aucun protocole ni décorum. Des sessions thématiques sont annoncées à l’avance avec deux ou trois orateurs qui font un exposé avant d’ouvrir le débat avec la salle. La confidentialité est un gage très grand de sincérité qui permet aux participants de dire vraiment ce qu’ils pensent. »
Jusque dans les années 1980, l'anglais et le français étaient les deux langues officielles de la conférence de Bilderberg, avant que l'anglais ne devienne la seule langue utilisée.
Les débats comprennent un exposé de dix minutes puis trois minutes de questions, sur des thèmes aussi divers qu'« austérité et croissance » ou l'Occident face à l'Iran en 2012 ; seul Henry Kissinger ayant le droit de déborder du temps imparti. Lors de chaque réunion, deux journalistes de The Economist, en tant que greffiers, dressent un compte rendu écrit, lequel n'est pas rendu public ; grâce à la discrétion entourant les discussions, les participants saluent souvent la liberté de ton qui y règne.
Sous la présidence d'Henri de Castries, le groupe Bilderberg se dote d'un site internet qui publie la liste des invités et des thèmes des discussions.
Controverses
Gouvernance mondiale
Les premières fuites sur l'existence de la conférence couplées à la non-médiatisation des discussions ont alimenté les théories du complot pendant la guerre froide, notamment chez l'essayiste antimaçonnique Roger Mennevée. Dans un article de 1967, celui-ci présente la conférence de Bilderberg comme faisant partie d'une conspiration mondiale visant à instaurer un gouvernement mondial (la « Synarchie ») dirigé par les États-Unis et prévoyant l’abandon des souverainetés nationales. Mennevée soutient que toutes les personnalités françaises qui s’étaient associées au Bilderberg, telles que Georges Pompidou, Antoine Pinay, et Guy Mollet, étaient également les opposants les plus résolus à la politique nucléaire du président Charles de Gaulle car le projet atlantiste auquel participait la conférence de Bilderberg ne pouvait se faire sans démanteler la force de dissuasion nucléaire française. Cet article est repris par le journal Libération dix ans plus tard lors de la réunion du groupe Bilderberg à Torquay en 1977.
Toutefois, d'après Conspiracy Watch, ce sont « les partisans de Goldwater [lors de la campagne présidentielle américaine de 1964], où l’on trouvait aussi bien des tenants de la droite religieuse que des suprémacistes blancs ou encore les anti-communistes de la John Birch Society, [qui] furent les premiers à dénoncer la famille Rockefeller et le groupe Bilderberg »
L'ancien agent des services de renseignement espagnols Luis M. González-Mata évoque le fonctionnement du groupe Bilderberg dans son essai Les vrais maîtres du monde, paru en 1979.
Dans un livre publié en 1985 Georges-Albert Astre et Pierre Lépinasse (La démocratie contrariée. Lobbies et jeux de pouvoir aux États-Unis) sont persuadés que le groupe Bilderberg exercerait une tutelle sur l'Occident.
Depuis lors, des théories complotistes toujours plus nombreuses courent sur le groupe sur lesquelles la décision de ce dernier il y a quelques années de publier sur son site internet la liste des invités et les thèmes des discussions n'a guère eu d'effet.
Parmi les reproches émis à l'encontre de Bilderberg, on notera la crainte de voir une structure collégiale abritant un petit nombre de personnes prendre, sans contrôle démocratique par des tiers, des décisions importantes en économie ou en politique. Des sources journalistiques belges évoquent la possibilité que les membres de la conférence s'engageraient à user de leur influence pour faire appliquer ce qui a été convenu au cours de la conférence.
Denis Healey, l'un des initiateurs de la conférence de Bilderberg de 1954 et membre du comité directeur pendant 30 ans, a expliqué en 2001 :
« Dire que nous cherchions à mettre en place un gouvernement mondial unique est très exagéré, mais pas totalement absurde. Nous autres à Bilderberg pensions qu'on ne pouvait pas continuer à se faire la guerre éternellement et à tuer des millions de gens pour rien. Nous nous disions qu'une communauté unique pouvait être une bonne chose16. »
En 2005, Étienne Davignon, autre membre important, en réponse à la BBC qui l'interrogeait sur les théories du complot :
« C'est inévitable, mais à quoi bon ? Il y a toujours eu des gens pour croire aux conspirations, seulement les choses arrivent de façon beaucoup moins cohérente… Quand les gens parlent de nous comme d'un gouvernement mondial secret, je me dis que, si nous sommes ce gouvernement, nous n'avons pas vraiment de quoi être fiers. »
L'ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine :
« Cette idée de complot est une farce. Le Bilderberg réunit des gens du même monde qui se rencontrent dans d'autres cercles3. »
L'économiste français Nicolas Baverez :
« Contrairement aux fantasmes, aucune décision n'y est prise. En fait, on est là pour travailler. Les deux jours et demi sont très intenses. De 8 heures à 20 heures, il y a une succession de débats. »
Manipulation de l'opinion
En 2012, le procureur et sénateur italien Ferdinando Imposimato alimente la controverse historique sur l'implication des États occidentaux et de l'OTAN dans les attentats ayant secoué l'Italie des « années de plomb » : dans son livre La Repubblica delle stragi impunite (« La république des massacres impunis »), il défend la thèse de la « stratégie de la tension » mise en œuvre pour renforcer le pouvoir étatique, et dénonce dans celle-ci l'implication directe ou indirecte des réseaux secrets de l'OTAN de l'époque19, dont les cellules stay-behind italiennes (le « Gladio ») et le groupe Bilderberg.
Conflits d'intérêts
Le groupe Bilderberg est aussi devenu un authentique objet d'études qu'à partir des années 1979-1980. Dans The Bilderberg and the West, paru en 1980, le chercheur Peter Thompson explique que le forum annuel de Bilderberg est une rencontre entre les dirigeants des multinationales les plus importantes et les figures politiques clés des pays occidentaux, afin de discuter ensemble des grandes problématiques internationales.
En 2009, Frédéric Charpier présente le but des sommets Bilderberg comme une coordination euro-américaine « au nom des principes démocratiques, mais aussi dans l'intérêt du capitalisme ». La même année, l'historienne Chloé Maurel explique que le groupe Bilderberg, dont elle souligne l'absence de transparence, a été créé dans le contexte de la guerre froide pour renforcer la coopération entre les États-Unis et leurs partenaires d’Europe occidentale.
Manque de transparence
L'opacité des décisions prises lors de leurs réunions a été fortement critiquée. En réponse le groupe publie le nom des participants et la teneur de certaines des discussions qui y sont tenus.
En 2003, en réponse à une question parlementaire, le Conseil fédéral suisse précise que :
« les conférences Bilderberg sont un forum d'échange sur les principaux sujets d'actualité dans les domaines les plus divers entre membres de gouvernements, diplomates, politiciens, personnalités de l'économie, représentants de la science, de la formation, de la presse et d'instituts spécialisés. […] L'objectif de cette conférence privée est une discussion libre et ouverte. Les participants y défendent leur opinion personnelle et n'y parlent pas au nom de leur gouvernement ou de leur employeur. C'est pour cette raison que les organisateurs renoncent à faire de la publicité autour de ces discussions. […] Les participants qui acceptent une invitation personnelle à la conférence se déclarent prêts à renoncer à toute publicité. Du reste, il ne s'agit pas de négociations, mais de discussions qui permettent et favorisent une mise en réseau des idées et des personnes. »
justifiant ainsi la non transparence par le caractère informel des échanges sans pour autant adresser le problème de la connivence qui pourrait se créer entre ses membres.
Dernières réunions
Réunion du groupe du 3 au 6 juin 2006 au Brookstreet Hotel à Kanata, Canada.. Celle-ci fut préparée par le comité de direction comprenant : Josef Ackermann de la Deutsche Bank, Jorma Ollila de Nokia, Richard Perle (ancien conseiller du Pentagone), Vernon Jordan (confident de l’ancien président Bill Clinton), Jürgen Schrempp de DaimlerChrysler, Peter Sutherland de Goldman Sachs International, Motorola, Daniel Vasella de Novartis et James Wolfensohn de la Banque mondiale. Étaient attendus Henry Kissinger, Natan Sharansky et Bernard Kouchner. Cette année-là, un commentateur politique espagnol, Daniel Estulin, aurait réussi à infiltrer la réunion.
- 2006 : La conférence a eu lieu du 3 au 6 juin à l'hotel Brookstreet situé à Kanata, en banlieue d'Ottawa, au Canada.
- 2007 : La réunion a eu lieu au Ritz-Carlton d'Istanbul (Turquie), dans le district de Şişli, du 31 mai au 3 juin.
- 2008 : La réunion s'est tenue du 5 au 8 juin 2008 au même lieu qu'en 2002 : au Westfields Marriott à Chantilly, Virginie, États-Unis25,26.
- 2009 : La réunion s’est tenue du 14 au 17 mai à l’Astir Palace de Vouliagméni(station balnéaire proche d’Athènes), en Grèce. Parmi les invités ː le vicomte Étienne Davignon, ancien vice-président de la Commission européenne et président honoraire du Groupe Bilderberg ; Francisco Pinto Balsemão ancien premier ministre du Portugal ; Franco Bernabè, PDG de Telecom Italia et vice-président de Rothschild Europe ; Carl Bildt, ancien premier ministre de la Suède ; Kenneth Clarke, ancien ministre conservateur et actuel ministre de la Justice au Royaume-Uni ; Richard Dearlove, ancien chef du service de renseignements britannique MI6 ; Claudio Jhovanny II Bertarelli, obscur homme d'affaires proche parent de Evelyn de Rothshild et héritier des fondateurs de Merck-Serono; Donald Graham, PDG de la Washington Post Company ; Jaap De Hoop Scheffer, secrétaire général de l’OTAN ; John Kerr, membre de la Chambre des lords britannique et président de Royal Dutch Shell ; Jessica Matthews, présidente de la Dotation Carnegie pour la paix internationale ; Richard Perle de l’American Enterprise Institute ; Romano Prodi, ancien premier ministre italien ; J. Robert S. Prichard, PDG de Torstar Corporation et président émérite de l’université de Toronto ; Peter Sutherland, ancien directeur général de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), premier directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et actuellement président de British Petroleum (BP) et de Goldman Sachs International ainsi que membre de la direction de la Royal Bank of Scotland, président de la Commission trilatérale, vice-président de la Table ronde des industriels européens et membre de longue date de Bilderberg ; Peter Thiel, membre du conseil d’administration de Facebook; Jeroen van der Veer, PDG de Royal Dutch Shell ; Martin Wolf, rédacteur en chef adjoint et journaliste économique en chef du journal Financial Times et finalement Fareed Zakaria, journaliste américain et membre de la direction du Council on Foreign Relations.
- 2010 : La réunion s'est tenue du 3 au 6 juin en Espagne, à Sitges (30 kilomètres de Barcelone).
- 2011 : La réunion s'est tenue du 9 au 12 juin en Suisse à Saint-Moritz. La liste des participants de cette conférence a été dévoilée par le site 20 Minuten Online.
- 2012 : La réunion s'est tenue en juin à Chantilly aux États-Unis en Virginie.
- 2013 : La réunion s'est tenue du 6 au 9 juin à Hertfordshire en Angleterre.
- 2014 : La réunion s'est tenue du 29 mai au 1er juin à Copenhague au Danemark30. Parmi les invités ː Emmanuel Macron, Fleur Pellerin et François Baroin.
- 2015 : La réunion s'est tenue du 11 au 14 juin à Telfs-Buchen en Autriche. Parmi les invités ː l'ancien président de la Commission européenne José Manuel Barroso.
- 2016 : La réunion s'est tenue du 9 au 12 juin à l'hôtel Taschenbergpalais à Dresde en Allemagne. Les listes des sujets abordés et des participants sont consultables dans le communiqué de presse.
- 2017 : La réunion a lieu du 1er au 4 juin 2017 à Chantilly, en Virginie aux États-Unis, et est consacrée entre autres questions à la présidence de Donald Trump. Parmi les invités ːHenry Kissinger, le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg et des membres de l'administration Trump comme Wilbur Ross, secrétaire du Commerce, ou le conseiller à la Sécurité nationale, le général H. R. McMaster. La Russie, la Chine, la prolifération nucléaire et la « guerre sur l'information (war on information) » font partie des autres sujets abordés au cours de la réunion.
- 2018 : La réunion a eu lieu à Turin, en Italie, du 7 au 10 juin 2018. Les sujets abordés sont : le populisme en Europe, le défi des inégalités, le futur du travail, l'intelligence artificielle, les États-Unis avant les élections de midterm, le libre échange, le leadership américain dans le monde, la Russie, les ordinateurs quantiques, l'Arabie saoudite et l'Iran, le monde « post-vérité ».
- 2019 : La réunion a eu lieu à Montreux, en Suisse, du 30 mai au 2 juin 2019.
Réunions bi-annuelles du comité de direction
- 12 novembre 2009 : au château de Val Duchesse (à Bruxelles), dans le cadre de la désignation du premier président du Conseil européen40,41.
- Novembre 2011 : François Fillon reçoit à Matignon les trente membres du comité directeur.
- 13-14 novembre 2012 : à Rome, hôtel de Russie, en présence du premier ministre italien Mario Monti
- En février 2013 à Rome.
Evénements associés
Nom | 1 | Jaunā ētika |
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2 | A huge explosion has ripped through a chemical plant in eastern China, killing at least six people and injuring dozens | |
3 | Microsoft laiž klajā Windows 7 |
Carte
Sources: wikipedia.org, timenote.info
Personnes
Nom | ||
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1 | David Rockefeller | |
2 | Bernhard de Lippe-Biesterfeld |