La déportation par les Soviétiques des Tchétchènes et des Ingouches
L’opération Tchétchévitsa (en russe, Чечевица, littéralement Lentilles) est le nom de code pourtant parlant pour la déportation par les Soviétiques des Tchétchènes et des Ingouches, accusés faussement de collaboration avec les Allemands, vers l’Asie centrale du 23 au 28 février 1944, pendant la Seconde Guerre mondiale. Selon l'amendement adopté le 26 février 2004 par la plénière du Parlement européen, « la déportation de l’ensemble du peuple tchétchène ordonnée par Staline le 23 février 1944 a, en vertu de la 4e Convention de La Haye de 1907 et selon la Convention sur la prévention et la répression du crime de Génocide adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU de 1948, constitué un acte de génocide ». Ce nettoyage ethnique est sans précédent dans l’URSS par l’ampleur des moyens déployés et des contingents à déporter en un temps record : au moins 120 000 soldats et officiers fut mobilisés, 150 millions de roubles affectés, des centaines de trains réquisitionnés pour rafler et déporter en une semaine un demi-million de personnes.
Déroulement
Le 23 février 1944, aux premières heures du jour, 150 000 militaires soviétiques (120 000 ou 200 000, selon d’autres sources) encerclèrent toutes les localités de la République de Tchétchénie-Ingouchie. Sous le prétexte fallacieux d’une collaboration avec les troupes allemandes qui, en réalité, n’atteignirent même pas le territoire de la Tchétchénie, et malgré ou grâce au fait qu’une grande partie des adultes mobilisables de la république fut envoyée au front, un demi-million de Tchétchènes-Ingouches fut entassé dans des camions de marque Studebaker fournis par les États-Unis au titre du lend-lease, et emmené vers les gares les plus proches, où il fut réparti dans les milliers de wagons à bestiaux et transporté, sans eau ni nourriture, vers le Kazakhstan et la Kirghizie. Des centaines, peut-être des milliers de déportés qui ne pouvaient être acheminés dans les délais impartis aux points d'embarquement dans les convois ferroviaires, furent sommairement liquidés : noyés, brûlés vifs – comme dans le village de Khaïbakh, le 27 février 1944 – ou exterminée à la grenade. 50 % des déportés – quelque 200 000 vieillards, femmes, enfants – périssent durant le transfert ou en déportation.
La République autonome de Tchétchénie-Ingouchie fut dissoute, son territoire partagé entre d’autres républiques, les biens des exilés accaparés par des occupants russes, la toponymie changée, les monuments nationaux rasés, les tombes dans les cimetières détruits, les archives historiques, scientifiques et littéraires brûlées, toute mention de l’existence même d’une nationalité tchétchène supprimée des documents et de la mémoire collective.
Ce n’est qu’en 1957, avec la déstalinisation, que la République de Tchétchénie-Ingouchie fut rétablie, et les « déplacés spéciaux » « réhabilités » et autorisés à rentrer dans leur patrie. De nombreuses tensions, incidents, émeutes anti-tchétchènes émaillèrent cependant le retour des rescapés.
Perpétuation
Dans les années 1990, fut construit à Grozny le Mémorial qui rend hommage aux victimes de la Tchétchévitsa. Sur son mur frontal, il était écrit : « Nous ne pleurerons pas, nous ne plierons pas, nous n’oublierons pas. »
Evénements associés
Carte
Sources: wikipedia.org